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Corinne Stephany, Miriam Prosch et Andreas Pauels, les trois associés de Jonas Architectes, se sont prêtés au jeu de l’interview croisée afin de mieux cerner leurs démarches, leurs motivations et leurs visions par rapport à leur bureau d’architecture, au métier en général ainsi qu’à son évolution.

Corinne, Miriam, Andreas, bonjour. Le bureau JONAS Architectes existe depuis 1976, comment expliquez-vous cette longévité ?

Miriam : La base a clairement été définie par Henri JONAS, le fondateur du bureau, qui dès le départ, a insufflé une philosophie axée sur la responsabilisation des membres de l’équipe.

Corinne : Henri JONAS a toujours priorisé les intérêts du client. Il n’a jamais imposé « son » style. Il tend vers une approche définie autour de la créativité appliquée, en fonction du projet, des attentes du client et de la fonctionnalité des constructions. Cela fait partie encore aujourd’hui de notre ADN. Le fait d’avoir des projets très diversifiés nous rend économiquement indépendants par rapport aux différents secteurs d’activités dans la construction.

Avez-vous, chacun d’entre vous, outre les similitudes de philosophie évidentes, des domaines plus spécifiques et complémentaires qui vous caractérisent ?

Corinne : Miriam est particulièrement douée pour trouver des solutions créatives et pragmatiques permettant de gérer des imprévus qui semblent impossibles à accomplir à première vue, notamment au niveau timing.

Miriam : J’apprécie également l’aspect rénovation des bâtiments anciennes dans le respect du patrimoine architectural existant, combinée aux nouveaux standards environnementaux et les mises en conformité.

Andreas : Mon expérience m’oriente vers l’organisation et l’exécution de nos projets sur les chantiers. Cela ne m’empêche pas de suivre un projet de sa naissance à sa finalisation. Nous tenons également à transmettre nos acquis en interne et à accompagner nos jeunes architectes dans leur développement.

Corinne : Notre rôle constitue en effet à partager nos connaissances et notre expérience accumulées au cours des 20 dernières années et à les développer en interne. Personnellement, j’accorde une importance majeure aux procédures en amont de la création : l’écoute, la compréhension du contexte, de l’environnement, des flux, des besoins réels. Cela représente un volume de travail non négligeable, qui n’est pas toujours compris. L’architecte doit penser à tout : avant, pendant et après la construction. C’est passionnant et cela constitue un enrichissement pour le métier et son évolution en général.

Justement, dans quel sens le métier d’architecte a-t-il évolué ou va-t-il évoluer à votre avis ?

Andreas : L’architecte est devenu plus polyvalent et interdisciplinaire. Il doit être à même de comprendre et de proposer des solutions pour satisfaire les demandes, le fonctionnement et les enjeux pour chaque type de projet et ce phénomène ne cessera de s’accroître.

Miriam : À l’avenir nous serons amenés à être encore plus impliqués, notamment en ce qui concerne l’économie circulaire, l’accessibilité, la mobilité, les aspects sociaux et environnementaux, de considérer les constructions existantes, ne pas tout raser d’office et de prévoir des extensions et des rénovations aux solutions ingénieuses et créatives.

Corinne : L’architecte rassemble des compétences dans les domaines les plus divers : de la connaissance absolue des lois et règlements administratifs, ce qui, croyez-moi, n’est pas une mince affaire, aux aspects techniques en évolution constante, de la compréhension des besoins réels actuels et futurs, en passant par les aspects environnementaux, acoustiques ou hydrologiques, sans oublier les facteurs économiques et évidemment l’aspect créatif et esthétique.

L’industrialisation dans la construction possède-t-elle un potentiel de développement ?

Miriam : Nous la vivons pleinement dans le domaine de la construction en bois, où des panels complètement préfabriqués : fenêtres, isolation, encoches pour les prises et la connectivité comprises, sortent des ateliers de menuiserie, de préférence locales, pour être assemblés sur place.

Une méthodologie comme le BIM « Building Information Modeling » (peut être traduit par Modélisation des informations du bâtiment), qui est une nouvelle méthode de gestion des projets de construction, basée sur une maquette numérique 3D, contenant des données fiables et structurées, n’est-elle pas utile justement pour ce genre de processus ?

Andreas : Je crois pouvoir affirmer que nous sommes précurseurs en la matière et que nous intégrons le BIM de plus en plus naturellement dans l’élaboration de nos projets. La méthodologie BIM nous permet de construire « virtuellement » le bâtiment et d’y incorporer les métrés, les matériaux et les requis. Nous sommes passés de la conception 2D à la 3D. C’est une méthode avantageuse pour l’élaboration et le suivi de projets de grande envergure.

Corinne : Tous les intéressés : les ingénieurs, les planificateurs, les statisticiens, les concepteurs, les corps de métiers, tous, peuvent avoir accès au même fichier avec tous les renseignements y afférents et intervenir et l’enrichir par rapport à leur domaine de compétence spécifique. L’architecte centralise l’intégralité du projet. Le travail en amont joue ici également un rôle de plus en plus important.

Si vous aviez une baguette magique, vous changeriez quoi ?

Andreas : Je pense parler pour nous trois, et probablement pour la majorité de nos confrères, c’est le manque de transparence et de cohérence en matière de réglementations dans le domaine de la construction. Il n’existe pas de code unique de la construction, comparable, disons, au code du travail.

Corinne : Ce casse-tête administratif et bureaucratique représente une perte de temps inimaginable. Avec l’OAI, nous menons un combat auprès des instances publiques pour créer un guichet unique, dédié aux réglementations dans le domaine de la construction. C’est urgent et capital.

Miriam : La perception du métier d’architecte est biaisée. Peu de personnes savent à quel point notre métier est complexe et exige des connaissances approfondies qui vont bien au-delà de l’élaboration de belles constructions. Il faudrait une réelle prise de conscience à ce niveau.

Le béton, le ciment contribuent largement à la production de CO2. Quelles sont les alternatives, mis à part le bois ?

Andreas : Les pistes en matière de bétons recyclés semblent prometteuses. De manière générale, Il y a lieu d’adapter la stratégie au cas par cas. Quels sont les impératifs du projet et quelle est la solution la plus intelligente à adopter ? Toujours en prenant en considération l’intégralité des facteurs, qu’ils soient culturels, sociaux, économiques ou environnementaux. Il n’existe pas une solution, mais une multitude de possibilités, parmi lesquelles il y a lieu d’opter pour la plus avantageuse et la plus responsable.

Miriam : Nous devons revoir la façon de construire, d’organiser les espaces et prévoir une réutilisation future des différents matériaux. Employer des matériaux réutilisables, séparables, triables ou recyclables ou prévoir des constructions qui dans leur ensemble peuvent connaître une attribution autre que celle initialement prévue. Nous avons par exemple construit une structure d’accueil pour enfants qui pourra ultérieurement être réaffectée en maisons unifamiliales.

Il incombe donc à l’architecte de concevoir en prenant en compte les constructions présentes et anciennes : cela représente une dimension supplémentaire du métier en ayant pour obligation d’établir une analyse détaillée de l’existant et de son potentiel de viabilité ?

Andreas : Nous avons de nombreux projets, comme l’extension du complexe scolaire de Colmar-Berg, où la nouvelle création cohabite avec une construction des années 70 et une première extension des années 90. Les parties encore utilisables sont maintenues et les autres remises en conformité par rapport aux nouvelles exigences énergétiques et sécuritaires pour finalement créer un espace de vie plus agréable et motivant pour les élèves.

Respect, passion ? Comment décrire votre état d’esprit ?

Corinne : C’est avec certitude la passion de tout ce qui est en relation avec notre métier. Mais c’est également une nécessité sociétale, environnementale et économique. La société évolue et l’architecture joue un rôle prépondérant, voire précurseur pour contribuer au mieux-vivre de façon responsable.

Existe-t-il une signature « JONAS », ou avez-vous délibérément opté pour ne pas avoir d’écriture architecturale spécifique et indentifiable ?

Corinne : Le projet dicte la création et non le contraire. Il existe une méthodologie Jonas qui se retranscrit dans la qualité de nos réalisations, de la planification à l’exécution, mais le design est au service du projet et des demandes du client. Nous sommes créatifs en fonction des contraintes et du contexte. C’est une forme de création appliquée, qui englobe une réelle compréhension des demandes.

Les architectes ont la réputation d’avoir un égo surdimensionné. Comment concevez-vous le fait d’avoir un égo, mais de se soustraire à l’esprit d’équipe ?

Corinne : Je préfère le terme de « confiance en soi ». Appréhender les défis avec une attitude positive. Cette confiance provient d’une multitude de facteurs : de ses connaissances, de son expérience, de sa passion, du soutien de l’équipe. Tout cela entraîne une confiance en soi qui permet d’affronter des difficultés, de proposer des solutions innovantes, de sortir des sentiers battus, d’argumenter en faveur du projet.

Andreas : Le fait que nous nous engagions pleinement pour le projet change la perspective. Nous ne sommes pas en situation de confrontation. Nous agissons toujours dans l’intérêt des prérogatives du projet et des demandes du client.

Si vous deviez définir JONAS Architectes en une ou deux phrases ?

Andreas : C’est le travail d’équipe, l’échange et la collaboration en bonne intelligence qui nous enrichit et qui nous définit.

Miriam : Nous sommes un bureau aux multiples compétences et cette diversité constitue une réelle plus-value. Nous avons les pieds sur terre et possédons une longue expérience de projets complexes, tout en continuant sans cesse à évoluer.

Corinne : Notre style de management horizontal, nous permet de réaliser des travaux de plus en plus complexes dans un état d’esprit serein, empreint de respect mutuel et de collégialité. L’argument a plus de poids que la position de celle ou de celui qui l’énonce.

Nous sommes portés par l’esprit de responsabilité. La responsabilité par rapport au client, par rapport à la société, à nos créations et par rapport à toute l’équipe.